Le Faubourg du réemploi

Marseille (FR) - Mentionné

DONNÉES DE L’ÉQUIPE

Représentante de l’équipe : Asimina Mavromatidi (FR) – architecte ; Associés: Ion Maleas (GR), Margaux Tissot (FR), Martin Ravel (FR) – architectes ; Matthieu Bloch (FR) – urbaniste ; Valentine Gilbert (FR) – paysagiste

DEMO – Marseille (FR)
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V. Gilbert, M. Bloch, A. Mavromatidi, I. Maleas, M. Tissot & M. Ravel


VIDEO (par l’équipe)


INTERVIEW

1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours ?

DEMO s’est construite autour de l’opportunité offerte par Europan de travailler sur notre territoire quotidien : La ville de Marseille. Asimina Mavromatidi, Ion Maleas, Martin Ravel et Margaux Tissot y exercent en tant qu’architectes et s’y sont rencontrés il y a bientôt deux ans. De notre amitié et de la complémentarité de nos expériences, entre Athènes, Paris et le sud de la France est née l’envie de réfléchir ensemble sur le devenir de notre ville d’adoption.
Devant la richesse du quartier de la Cabucelle, et de la problématique qui nous était posée, il nous a paru essentiel de renforcer l’équipe en la nourrissant d’autre disciplines. Ainsi, Valentine Gilbert, paysagiste expérimentée du territoire phocéen et Mathieu Bloch, urbaniste à Plaine commune ont également rejoint DEMO et ont ouvert de précieuses entrées à notre sujet.

2. Quelle est la problématique principale du projet et comment avez-vous répondu à la question centrale de la session : la place des activités productives au sein de la ville ?

Le faubourg du réemploi est un projet qui cherche à valoriser le déjà là, pour tourner le quartier ouvrier de la Cabucelle vers une ville écologiquement soutenable. Entre les friches de l’ancien monde industriel et les immeubles d’Euroméditerranée, symboles d’un nouveau monde tourné vers l’économie urbaine globalisée, il nous semble pertinent de construire une alternative en s’appuyant et en préservant la place active des classes populaires représentées dans le quartier.
Pour y parvenir nous nous sommes appuyés sur l’effet levier du projet Euroméditerrannnée 2. Le postulat du tabula rasa annoncé sur le quartier voisin des Crottes Bougainville promet d’être à l’origine de tonnes de déchets de matériaux de construction pouvant être réemployés. Pour accompagner la création d’une nouvelle industrie autour du réemploi, la montée en puissance progressive d’une foncière artisanale a également été envisagée. Elle a pour but de soutenir la transition économique du quartier en proposant une grande diversité de locaux répondant aux besoins variés des entreprises du secteur.
Enfin, la ville productive à la Cabucelle se traduit non seulement par la création d’un pôle d’activité autour du réemploi des matériaux de construction, mais aussi par un apport de formation et de sensibilisation à l’impact du secteur du bâtiment sur l’environnement.

 

3. Comment la problématique et les questions posées par la mutation du site se sont-elles croisées ?

La Cabucelle est un quartier comportant de nombreuses activités notamment dans la réparation automobile. Symbole du développement urbain et économiques post-seconde guerre mondiale, la voiture constitue un obstacle à la transition écologique et à une ville conviviale. Pour autant, la réparation constitue un secteur économique ouvrier, où l’on fait à partir de l’existant. Notre projet cherche donc à accompagner la baisse d’activité de ce domaine en gardant une philosophie similaire à ce secteur économique par le développement du réemploi des déchets du BTP, une activité permettant de réparer la ville sans gaspiller sa matérialité.
Par ailleurs, la Cabucelle constitue un faubourg ciblé par un NPNRU. Ce programme, rare sur ce type de tissu urbain, doit, selon nous, renforcer l’identité du quartier en piétonnisant et en végétalisant son cœur et en éloignant le transport routier dédié aux activités liées au réemploi. Il s’agit d’un travail de couture à l’opposé des projets du NPNRU ayant cherché dans leur majorité à ouvrir les grands ensembles par de nouveaux axes et à casser l’image de ces quartiers par des opérations démolitions / (re)constructions.

 

4. Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment ? Quels ont été les projets références pour le vôtre ?

L’ensemble des membres du collectif DEMO, dans différentes disciplines, a développé la question du réemploi dans sa pratique professionnelle. Notamment : Matthieu Bloch au sein de l’EPT Plaine Commune participe activement à la mise en œuvre de la démarche « Métabolisme urbain » en mettant en relation entreprise du BTP et filière produisant des déchets à réemployer. Margaux Tissot débute son parcours professionnel chez l’Atelier d’Architecture Autogéré, à Paris, qui l’initie aux principes de l’upcycling. Ion Maleas, dans le cadre de sa recherche doctorale concernant la financialisation de l’espace urbain et le droit au logement, enseigne à l’ENSA Marseille avec Jean Marc Huygen autour d’une production architecturale et urbaine soutenable, où le réemploi joue un rôle central.
De par ces expériences, de nombreuses références nous sont venues à l’esprit. L’approche commune du projet repose sur une action collaborative de la construction ancrée dans l’histoire du quartier : La mobilisation des capacités des habitants mis en pratique par les Castors. L’une de leurs premières constructions de logements se trouvant au cœur de la Cabucelle, 21 boulevard Denis Papin. Le mouvement Castor débute initialement après la seconde guerre mondiale comme coopérative d'auto-construction, basée sur le principe du travail-collaboratif : chaque participant apporte ses compétences et le travail collectif de construction vient compenser l'incapacité des individus à financer l'achat ou la construction commerciale de leur logement.
D'autres références concernaient l'architecture valorisant les matériaux de construction recyclés comme une solution durable pour la construction. Le travail et les enseignements de Jean Marc Huygen (à l'ENSA-Marseille) ont été une grande source d'inspiration. D'autres exemples incluent des projets tels que le quartier « The Resource Rows » du groupe Lendager. Ce projet résidentiel, situé dans le quartier Ørestad de Copenhague, réemploie les murs de briques d'une brasserie abandonnée pour construire ses nouvelles façades, réduisant ainsi la consommation de carbone de 70%. Lors de la même opération, les architectes valorisent des masses de déchets de béton et de bois excédentaire (produits lors de l'agrandissement du métro de Copenhague) pour les réemployer dans les façades et les revêtements de sols.
Un autre projet inspirant est le Musée d’histoire de Ningbo de Amateur Architecture Studio. Les façades de cet immeuble ont servi de référence à notre proposition de piétonnisation du centre de la Cabucelle. L'architecte a réutilisé vingt types différents de briques et de tuiles grises et rouges de fermes qui se trouvaient dans la région avant que le gouvernement ne décide de les démolir pour la construction du musée. Selon le studio : "un musée d'histoire devrait collecter des traces du temps pour affronter le passé".
Enfin, au-delà des nombreuses références de marque qui pourraient être citées, il est important de mentionner l'inspiration essentielle provenant de l'architecture vernaculaire et des diverses techniques de construction traditionnelles. Nous croyons en l'intelligence collective de tous les acteurs impliqués dans la construction urbaine.

 

5. Les projets urbano-architecturaux de type Europan ne peuvent se réaliser que dans une relation aux acteurs à travers un processus négocié et dans le temps. De quelle manière avez-vous intégré cette question dans votre projet ?

Nous nous sommes efforcés de rendre notre projet réaliste tant socialement que chronologiquement. Notre proposition s’appuie en grande partie sur les forces des réseaux existants à la Cabucelle. Il est essentiel que les habitants du quartier soient pleinement intégrés dans le projet, pour accompagner sa transformation. Nous nous sommes particulièrement intéressés aux savoirs faire locaux, tant des personnes et leurs connaissances individuelles que des associations / structures existantes au sein du quartier, afin de les valoriser et d’en faire la force vive de la Cabucelle. Ainsi, l’école de la Seconde Chance, La Maison des Apprentis et le Lycée Professionnel (du Boulevard Viala) feraient partie intégrante de la transformation du quartier tant en supportant une offre de formation qu’en participant au chantier.
D’autre part, nous sommes conscients que la création d’une réserve de foncière artisanale et la montée en puissance de filières liées au réemploi ne se feront pas en un jour. C’est pourquoi notre projet s’amplifie en sollicitant progressivement les friches industrielles et le tissu urbain.
Dans le même temps, nous nous sommes saisis de la formidable opportunité que représente le NPNRU ciblant ce quartier. En effet, celui crée un effet levier en faisant se rencontrer les différents acteurs urbains sur un délai pré-établi. Afin d’obtenir les fonds nécessaires à notre programme urbain, nous avons ajuster la temporalité du projet à celle du NPNRU.
Enfin, DEMO est également en contact avec d’autres acteurs marseillais qui pourraient être engagés sur l’opération. Notamment, R-Aedificare, architectes spécialisés dans le réemploi des matériaux et l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille au travers de Jean Marc Huygen de ses collaborateurs et de ses étudiants.

6. Est-ce la première fois que vous êtes primé(s) à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?

Nous sommes extrêmement heureux et enthousiastes d’être primés à Europan pour la première fois. Pour ce projet en particulier cette distinction nous encourage à porter nos engagements dans le cadre de notre pratique professionnelle. Europan a permis également à certains d’entre nous d’avoir une première expérience réussie dans la conception urbaine, dans laquelle Matthieu Bloch souhaite notamment se spécialiser. Nous espérons sincèrement que ce concours débouche sur des échanges concrets avec la ville de Marseille.
Dans cette perspective, nous travaillons sur la concrétisation de DEMO depuis l’annonce de la commission. Notamment dans sa formalisation juridique (d’abord comme association). Nous sommes également enthousiastes à l’idée de l’évolution potentielle de DEMO, tant professionnelle que juridique, selon les futures opportunités offertes par Europan.

 

IDENTITÉ DE L'ÉQUIPE

Agence : DEMO
Fonctions : Architecture, Urbanisme, Paysagisme
Âge moyen des associés : 29 ans

L’équipe a-t-elle, ensemble en totalité ou en fragments, conçu, voire réalisé, des projets et/ou gagné des concours ? Si oui, lesquels ?

Matthieu Bloch, au sein de l’EPT Plaine Commune, participe activement à la mise en œuvre de la démarche « Métabolisme urbain » en mettant en relation entreprise du BTP et filière produisant des déchets à réemployer. Plaine Commune faisant l’objet d’un renouvellement urbain intense, il a pu être sollicité sur certains sujets comme le réemploi des terres issus du Grand Paris Express ou sur le positionnement d’une plateforme de tri alimentant l’ensemble des projets urbains du territoire. Par ailleurs, il accompagne la revitalisation du centre-ville de Saint-Denis en piétonnisant et végétalisant des espaces publics qui deviennent alors appropriables par des commerces implantés par une foncière municipale.
Asimina Mavromatidi et Margaux Tissot se sont rencontrées chez Kristell Filotico Architecte, où elles exercent actuellement. Ensemble, elles ont collaboré sur différents projets d’échelles et de programme variés :

- Azimut - Ilot Pelletan – Avenue Camille Pelletan, Porte d’Aix, Marseille / Kristell Filotico Architecte – Margaux Tissot Chef de projet : L’appel d’offre lancé par Euromed en 2019 sur l’ilot Pelletan, dernière pièce de la ZAC Saint Charles, ouvrait la discussion sur la programmation en proposant d’y établit un « Tiers Lieux ». Afin de définir en amont les usages d’un bâtiment ouvert au centre-ville de Marseille nous avons consulté, dans le cadre d’ateliers de participation, nombres d’acteurs locaux : étudiants, habitants, associations et professionnels nous ont orientés sur les besoins et la réalité du quartier. De leurs témoignages, est né un projet profondément ouvert sur le quartier et voué à accompagner les transformations que le quartier connait déjà. A notre groupement formé par ICADE – HIRUNDI – LES GRANDES TABLES – SYNAPSE – et Kristell Filotico architecte s’étaient également associés R-Aedificare, été SKOLA respectivement spécialisés dans le réemploi de matériaux et dans la formation et l’insertion des jeunes talents peu diplômés.
- Champ de Mai – Une place à la Friche Belle de Mai, Marseille / Kristell Filotico Architecte – Asimina Mavromatidi Chef de projet
: L'idée principale de ce projet était de générer l'espace public le plus grand et le plus appropriable possible. Ainsi, un rez-de-chaussée incliné est proposé, qui pourrait être utilisé pour plusieurs événements culturels, ainsi qu'un espace pour les voitures. La construction du bâtiment est réalisée en site occupé (centre culturel, crèche, place en activité continue). Les paysagistes de l’équipe ont composé le sol de la place d’un patchwork de matériaux, en partie recyclés et tirés du site.

Au-delà de ces projets exemplaires, les membres de DEMO ont travaillé ensembles (dans divers combinaisons) et individuellement sur un éventail des projets et des compétitions pertinentes. Par exemple, Ion Maleas, par sa recherche doctorale, a organisé des workshops participatifs et des événements académiques qui incluent des habitants, des représentants de communes, des bailleurs sociaux, des associations citoyennes, et d’autres acteurs du territoire de Bouches-du-Rhône. En outre, Ion et Asimina ont été tous les deux membres d’un équipe qui a reçu la mention spéciale du jury pour le concours “Aix 2040: L’habitat du future” en 2018, pour leur projet “2040 Utopies Pavillonnaires”.
En tant que paysagiste, Valentine Gilbert travaille sur des territoires tant accessibles qu’inaccessibles à l’humain. Elle fait de cette complexité un outil pour construire des solutions durables, démocratiques et collaborative pour les enjeux du XXIème siècle. Elle a travaillé sur l’urbanisme transitoire avec les architectes de Sixième Continent (Paris), Catherine Dieterlin (Marseille) et le Collectif ETC (Marseille) respectivement dans des aires urbaines délaissées à Paris, à Clermont Ferrand et Marseille et sur un espace de préfiguration d’une aire de jeux en Norvège. Aujourd’hui, elle travaille au CAUE 94, organisation de conseil architectural, urbain et environnemental, au sud de la région parisienne.