LA PRATIQUE DU PROJET AU PRISME DE LA VILLE ADAPTABLE

Didier Rebois (FR)

architecte, enseignant, secrétaire général d’Europan, Paris (FR)

L'auteur fait une classification des projets urbains suivant leurs différentes stratégies pour combiner une vision à long terme de la transformation des contextes avec des structures flexibles adaptables aux villes en mouvement et en mutation.
Cet article fait partie du Catalogue des résultats E13, publié par Europan Europe en juin 2016.

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LA PRATIQUE DU PROJET AU PRISME DE LA VILLE ADAPTABLE

 
QUELLES STRATEGIES POUR PENSER LA VILLE DU XXIEME SIECLE ?
UN THEME ET TROIS SOUS THEMES

Cette session a repris le thème du concours Europan 12, la Ville adaptable, en le déclinant sous de nouvelles dimensions. Pour Europan, il est important que les processus, issus du concours, intègrent mieux les acteurs comme protagonistes du projet, mais sous différentes formes. Il faut que les projets urbains puissent évoluer dans le temps, et l’enjeu est de les penser différemment. Il faut savoir associer un temps long, la vision du futur, nécessaire à la transformation d’un contexte, à un projet flexible qui propose des solutions spatiales et des modes de production qui s’adaptent à une ville en mouvement, changeante, dynamique.
Comment sortir du fonctionnalisme rigide encore opérant pour produire les villes européennes en s’adaptant aux évolutions des modes de vie et de l’environnement ?

C’est à partir de cette thématique qu’Europan a mis en avant trois sous-thèmes comme autant de questions aux acteurs et aux concurrents : celle, d’abord, de savoir comment le projet peut se construire autour de valeurs comme celles du partage et de la solidarité ; ensuite, comment dans ces temps de crise économique, mais aussi de domination du secteur privé dans la production de la ville et de l’architecture, inventer de nouvelles formes d’organisation de la commande et des acteurs donnant plus de place à une approche « bottom-up » ? Comment, enfin, le projet peut-il être davantage du côté des processus de fabrication dans le temps que des objets prêts à construire ?

DES SITES ET DES ACTEURS MOTIVES, MAIS A LA RECHERCHE DE SOLUTIONS PRAGMATIQUES
49 sites situés dans des villes d’une quinzaine de pays européens ont été sélectionnés autour de cette thématique. Il est à noter que malgré une sévère crise dans les financements publics, Europan a trouvé des partenaires actifs autour de sites motivants. Pour les acteurs urbains, la notion d’adaptabilité se traduit par la question de l’adéquation des espaces par rapport aux pratiques urbaines, mais aussi de l’intégration de la temporalité aléatoire dans la fabrication des projets urbains.
Si l’objectif reste celui d’obtenir des visions du devenir de leur site permettant de construire une commande politique et d’y faire adhérer les citadins, la demande est assez réaliste pour que ces projets/visions s’accompagnent de propositions très concrètes de réalisation.

Il peut s’agir d’arriver à modifier, à court terme, l’image d’un site pour une période de transition, en attendant une conjoncture plus favorable pour réaliser les ambitions du projet. Ou encore de trouver des « starters » permettant d’enclencher une première étape qui marque le changement, sans pour autant devoir réaliser l’ensemble sur le court terme. Et quand on peut s’aventurer à plus long terme, il est demandé que les projets permettent dans le temps de saisir les opportunités des investisseurs potentiels.
Les sites sont présentés dans le catalogue avec une interview d’un responsable urbain local qui précise les attentes de la ville.

DES PROJETS EXPERIMENTAUX PROPOSANT DES PROCESSUS ENTRE REALISME ET INNOVATION
Pour les concurrents, il s’agissait donc de faire cet exercice complexe de concevoir des projets alliant vision du futur, innovation dans les modes de conception des projets et pragmatisme de la fabrication. Différentes interprétations, bien sûr, surgissent dans les réponses à cette équation, mais les jurys se sont attachés à choisir comme équipes primées celles qui proposaient des pratiques de projet innovantes autour d’une question centrale : comment concilier la nécessaire définition des espaces et la prise en compte des usages et pratiques en perpétuel mouvement ?
Ce sont quelques-unes de ces propositions primées qui proposent des évolutions des pratiques professionnelles et remettent en question le rôle traditionnel de l’architecte que cet article veut explorer. Il s’appuie sur les projets eux-mêmes, mais utilise les interviews post-concours faites par Europan Europe auprès des équipes primées pour connaître leurs positions sur la question de l’adaptabilité et la façon dont leur projet propose des démarches en rapport.

Le projet comme forme urbaine pérenne accueillant des usages changeants

Certaines équipes primées affirment la pérennité de la forme urbaine et de l’architecture. L’enjeu, pour eux, est de réutiliser des typologies stabilisées, mais qui peuvent s’adapter à de nouveaux usages. Elles le font en s’inscrivant dans les tissus existants revalorisés ; ou alors elles créent des formes bâties neuves, mais dont la vocation est de durer. Seuls les usages changent dans le temps et la ville a une dimension permanente capable d’absorber ces changements sans en être affectée dans sa structure et ses espaces.

Le titre du projet mentionné à Leeuwarden (NL), Urban Prescriptions (fig.1), est explicite et l’équipe joue cartes sur table. Les enjeux sont de récupérer des parcelles bâties dans un tissu historique, et faire évoluer un ancien musée en un autre programme. Pour l’équipe, il s’agit de distinguer conservation des qualités du déjà-là et adaptabilité, c’est-à-dire un changement de programme. L’équipe propose de renforcer les espaces publics dans l’îlot à l’aide de micro-actions à petite échelle pour le rendre adaptable sans le modifier profondément. « Nous croyons que la ville du futur ne changera pas significativement, elle sera juste utilisée d’une manière différente ». Dans cette structure urbaine restaurée, l’équipe propose de transformer des cours en aires éco-productives : l’eau sera remise dans les canaux désaffectés, des usages temporaires seront proposés pour les lieux vacants et la création d’espaces publics transformables. Mais cette intervention laisse ouverte l’intégration de futurs usages à plus long terme qui devront être concertés avec les citoyens.

Cette attitude se retrouve aussi chez des équipes qui ne travaillent pas sur le patrimoine, mais sur un quartier nouveau à créer, en relation avec une vision de la ville proche. « La ville contemporaine n’est pas un, mais plusieurs lieux. C’est une structure complexe, à plusieurs strates, variée, faite d’idées complémentaires et interconnectées, de concepts et de systèmes » énonce l’équipe mentionnée sur le site de Nacka (SE), The Ends of the City (fig.2). « Il est temps de repenser la forme urbaine comme un élément résilient, plutôt que comme quelque chose de futile qui demande une réhabilitation permanente ». Sur un site industriel de stockage en bord de fleuve, l’équipe propose de réaliser une forme urbaine nouvelle, fortement définie par de grands bâtiments formant des signes urbains juxtaposés. Mais ces grandes architectures sont conçues pour être flexibles et pouvoir intégrer les changements d’usages. Par exemple, les planchers peuvent recevoir différentes fonctions et les programmes peuvent muter du logement à des lieux de travail. Le projet/objet pérenne ne peut se dissocier de son processus de réutilisation.

A Barreiro (PT), l’équipe lauréate, Between the Lines (fig.3), adopte exactement la même attitude dans un autre style architectural. Elle compacte comme dans de grandes unités structurantes du site des lignes bâties qui jouent avec le paysage. Ces lignes sont toutefois « suffisamment flexibles pour accueillir les besoins et les désirs des usagers potentiels et des initiatives auto-organisées ».

L’équipe lauréate à Graz (AT), Walzer (fig.4), part aussi de l’idée que « les bâtiments ont généralement une vie plus longue que les programmes pour lesquels ils ont été conçus. C’est pourquoi nous proposons une structure adaptable qui peut accueillir le programme actuel, mais aussi de futures adaptations possibles ». Sur le site de la gare, ils réalisent une structure bâtie massive et unitaire, mais, pour se protéger des nuisances des voies ferrées, construite autour de grandes places intérieures. Et cela suppose certains dispositifs spatiaux spécifiques pour permettre les changements d’usage.
Cette position est une forme renouvelée d’une attitude assez classique dans la culture de la ville européenne : elle avait été réhabilitée dans les années 80 avec le retour de la ville comme matrice autour du même slogan : « la ville ne change pas, seuls les usages se modifient ».

Le projet d’espace public comme structurant pour un bâti construit dans le temps

D’autres équipes primées cherchent aussi une structure qui peut être fédératrice, mais exclusivement à travers l’espace public, en excluant le bâti qui n’obéit pas, selon elles, aux mêmes temporalités. Pour elles, la dimension publique de la ville est ce qui peut être défini et maîtrisé dans le temps, alors que les bâtiments, relevant plus du domaine privé, peuvent être moins programmés et implantés de manière plus aléatoire dans le temps.
L’équipe lauréate à Ingolstadt (DE), Waldstrasse (fig.5), l’affirme clairement : il faut prioritairement investir l’espace public pour redéfinir la moitié nord de la ville avec le caractère le plus fort possible. Ils proposent que les politiques et les structures publiques réalisent et gèrent un tel programme. Pour cela, l’équipe propose une série de 5 stratégies et 25 actions devant s’inscrire dans un calendrier de décisions clairement planifiées. De parcs à l’échelle urbaine à des cours intérieures, c’est une stratégie globale sur l’espace public à travers un processus non linéaire de réalisation. C’est lui qui déterminera la manière dont les programmes bâtis viendront se mettre en place.

A Schwäbisch Gmünd (DE), l’équipe mentionnée, Creative City (fig.6), se concentre aussi largement sur l’espace public, car ils constatent que dans cette partie moderne de la ville, les voies piétonnes et l’espace partageable par les habitants sont absents. L’équipe étudie finement les programmes possibles pour développer de nouveaux modes de vie à travers des interventions bâties spécifiques (logements, maisons d’hôtes, centres sociaux, fondations culturelles). Mais tous ces programmes seront reliés par un espace public participatif impliquant les habitants, qui permet une répartition de mise en œuvre sur différents sites et sur le long terme.

A Molfetta (IT), une ville qui doit réhabiliter son front de mer, l’équipe mentionnée, Molfetta, Terra e Mare (fig.7), propose « des points d’activités qui pourront être réalisés dans le temps... », et c’est le profit des premières opérations qui « permettra de construire une promenade comme lien ». Ce sera cet espace public –une promenade urbaine reconnectant ville et mer– qui jouera le rôle de colonne vertébrale pour assurer la cohérence de cet espace urbain aujourd’hui très fragmenté.

Il est intéressant de voir chez de jeunes équipes cette confiance en l’existence d’un service public urbain et de responsables politiques capables de porter un projet de développement dans le temps tout en assurant assez rapidement, par l’espace public, la cohérence urbaine. On peut juste se poser la question, comme l’équipe lauréate à Ingolstadt le fait avec humour : « Est-ce que ça ne serait pas trop de travail pour les politiques ? »…

Le projet écologique associant temps long du territoire et temps court du développement

Le projet lauréat à Moulins (FR), The Theory of Evolution (fig.8), conceptualise cette double temporalité. Il concentre les réflexions des sciences naturelles, à travers lesquelles les concepts d’adaptabilité, transformation, évolution, etc. sont développés, autour d’une question : « Comment les espèces vivantes peuvent-elles évoluer pour garantir leur survie face aux modifications de l’environnement ? » Si les réponses de Darwin et Lamarck s'opposent ici, l'équipe avance cependant que les deux doctrines se révèlent complémentaires dans le projet urbain sur des sites à forte valeur naturelle. Pour l’équipe, qui fait une proposition sur un site autour d’un fleuve dont une rive est urbanisée et l’autre à dominante paysagère, il faut prendre en compte le temps long du territoire : c’est l’évolution lente de la rivière Allier, les ponts, les inondations, les digues, et les terres inondables comme un réseau d’éléments qui structurent le projet. Mais il faut aussi intégrer le développement plus rapide lié « à l’économie urbaine, la valeur des parcelles et les loyers ». Cette double temporalité implique d’associer les compétences en terme de projet : celles du paysagiste qui travaille sur le temps long, la topographie, l’hydrographie, la géologie et le sol, tout en tenant compte du cadre de l’évolution plus rapide de la ville.

Une des deux équipes lauréates à Saint-Brieuc (FR), Seaside Boulevard (fig.9), est également confrontée à un territoire de vallées naturelles autour desquelles la ville s’est développée, et dont la topographie a permis de le préserver du développement urbain. À l’instar de Moulins, l’équipe propose une double échelle : celle du temps long, en créant un boulevard naturel comme matrice suivant les contours d’un réseau ferré abandonné ; et celle du temps court, avec l’articulation de projets permettant le désenclavement de sites potentiels pour des développements et « l’installation de nouveaux programmes comme des initiatives innovantes ».

Le projet lauréat à St Pölten (AT), Ju(MP) in the Water - Kiss that Frog (fig.10), repose aussi sur la création d’un système environnemental à travers la définition d’une structure définie par l’eau, comme un maillage de grande échelle, et qui peut être capable d’intégrer différentes architectures et programmes. C’est « un nouveau modèle urbain qui se développe dans le temps et se structure autour des lignes et bassins d’eau » et « une nouvelle vision de l’espace public qui permet de mettre la vie quotidienne en contact direct avec la nature ».

Projet/masterplan versus projet/acupuncture ?

Parmi les équipes qui croient qu’une intervention publique est essentielle pour assurer la cohérence du projet urbain dans la durée, il y en a quelques-unes qui assument la proposition d’un masterplan. En soi, rien de bien répréhensible ! Mais comment assurer le respect d’un plan qui va prescrire la forme urbaine et en garantir la réalisation par morceaux dans le temps ?

C’est le pari que fait en tout cas l’équipe mentionnée à Selb (DE), Round the Corner (fig.11), en proposant « une approche systématique basée sur un nouveau masterplan solide… ». Intervenant dans une ville qui a dû rétrécir à la suite du déclin industriel et revaloriser son noyau central, l’équipe veut stabiliser la forme d’un quartier du centre-ville par « un travail de consolidation urbaine en éliminant les barrières infrastructurelles et en créant des lieux urbains ». Mais le projet ne pouvant se réaliser d’un seul coup, elle propose de le faire sur la base d’une structure réglementaire et de « penser un phasage flexible permettant de s’adapter aux opportunités ». Les responsables urbains de la ville peuvent-ils adhérer à cette proposition en acceptant d’être le garant du portage du projet dans le temps ? Ils avaient en tout cas déjà mis en place, depuis Europan 9 avec l’équipe lauréate Gutiérrez-delaFuente Arquitectos, une approche par acupuncture d’équipements et de logements dans le centre-ville.

C’est bien à l’opposé de la fabrication d’un masterplan que se situe l’équipe lauréate à Gera, Colonization of the City Centre (fig.12), une autre ville allemande confrontée au processus de décroissance. L’équipe propose de renforcer un grand espace en jachère en plein centre-ville par un travail de colonisation non par un plan, mais par un travail d’acupuncture en réactivant une aire existante par l’injection de nouveaux usages. « Comme la ville a un budget limité pour investir dans le développement urbain, le concept de notre projet est basé sur l’idée de développer ce quartier par secteur et en constante collaboration avec les habitants ». L’équipe propose de réaliser trois bâtiments dans un premier temps, et d’y ajouter des usages temporaires comme des garages containers, des jardins privés, des aires de jeux, un cinéma en plein air et un « Biergarten » (brasserie en plein air) qui occuperont l’espace en attente d’autres programmes plus lourds. C’est un éloge de la lenteur qui, autour d’un « starter » du projet urbain, propose de penser la suite en collaboration avec les citadins.

Entre les deux stratégies de projets qui interviennent dans des contextes proches et dans les creux du tissu urbain, il est intéressant de se demander quelle démarche adopter entre une volonté de contrôle dans le temps et un système plus ouvert qui ne cherche plus à avoir une vision a priori du résultat à terme. Cette différence de méthode illustre bien la diversité de la recherche des équipes primées sur la façon de gérer l’adaptabilité du projet.

Le projet qui naît de l’existant physique et humain

Beaucoup d’équipes rejettent l’idée de projeter arbitrairement de nouvelles structures ou de nouveaux objets dans les sites. Elles considèrent que ceux-ci ont une histoire à la fois dans l’espace physique, mais aussi dans les usages. Et elles pensent que prévoir la redynamisation de ces territoires, souvent périphériques, passe par une prise en compte de l’existant. Et, pour une part d’entre elles, c’est à partir de cette analyse minutieuse que le projet de transformation se dessine.

L’équipe mentionnée à Gjakova (KO), Caravanserais (fig.13), porte ce point de vue radical. Le diagnostic d’une situation urbaine en mutation –les espaces bordant la rivière– représente 95% du travail de conception. Il permet ensuite, à partir d’une connaissance très détaillée à la fois des espaces, mais aussi des pratiques, de prévoir de micro-interventions pour renforcer la structure urbaine et l’identité du lieu comme une valeur sociale.

Le projet mentionné à A Coruña (ES), Embroidering the Edge (fig.14), propose une requalification du front de mer. Pour l’équipe, les principes d’adaptabilité et d’auto-organisation renvoient à l’idée de révéler les valeurs du lieu et de définir un nouveau futur à partir de celles-ci. Pour y parvenir, elle met l’accent sur l’importance du lieu, de la morphologie, de la perception et de l’évolution impliquant l’être humain comme à la fois habitant et aménageur de son environnement. Il s’agit, comme Cedric Price le revendiquait pour l’architecture, d’être plus préventif que curatif.

A Barcelona (ES), l’équipe mentionnée, Sustainable Interface (fig.15), s’inscrivant dans la continuité de leur projet déjà primé au concours Europan 12, commence par une étude minutieuse du site afin de détecter les possibilités ouvertes pour y inscrire une flexibilité des usages dans le temps et une réversibilité permettant de retrouver l’état d’origine. Leur objectif est d’insérer dans le tissu existant des lieux de production et des activités compatibles avec le logement. Ils inventent des typologies aptes à recevoir cette mixité : des « plinthes actives » (les lieux productifs et commerciaux) qui supportent des « émergences vivantes » (les logements, bureaux, hôtels).
Enfin, le projet mentionné à Charleroi (BE), Making Room for Gilly (fig.16), part de la forme de ce quartier un peu obsolète en se basant sur la structure en couches comme une opportunité pour développer un bâti flexible capable de définir l’espace public. Ce processus progressif ancré dans l’existant permet la transformation du site dans le temps et selon les besoins des usagers.

Le projet comme stratégie flexible, adaptable aux usages variables

Des équipes primées refusent de prédéfinir une structure physique globale qui permettrait d’accueillir la flexibilité des usages, car elles pensent que ces formes ne peuvent plus résister au changement de la ville. Elles préfèrent proposer une stratégie flexible, comme un système qui serait lui-même adaptable aux évolutions des usages.

C’est le cas emblématique de l’équipe lauréate à Barcelona (ES), In Motion(fig.17), qui pense que la ville adaptable requiert des stratégies de constructions où « le bâti n’est plus un élément fixe, mais un groupe d’éléments hétérogènes avec différents degrés de changement ». Sur un site industriel en mutation, l’enjeu pour elle est d’être capable d’accueillir le mouvement en introduisant de nouvelles stratégies qui réunissent l’adaptabilité, les logiques auto-suffisantes, l’approche éco-systémique et l’engagement social envers le logement. L’architecture elle-même doit pouvoir s’ajuster rapidement en suivant l’évolution des usages.

A Santo Tirso (PT), l’équipe mentionnée, 3tirsolines (fig.18), souhaite adapter son projet aux besoins de la population locale en créant une stratégie flexible autour de 3 lignes : un axe vert qui connecte ; un marché rénové qui devient espace public ; la densité bâtie augmentée pour encourager l’arrivée de nouveaux habitants et des activités. Leur projet n’est pas une forme finie, mais une stratégie autour de principes et qui doit être capable de s’adapter aux besoins réels à tout moment. Il est plutôt conçu comme « un système de travail qui implique plusieurs agents urbains choisissant entre différentes activités et actions. »

A Zagreb (HR), l’équipe lauréate, Swap on the River (fig.19), propose une stratégie flexible qui active le site « en injectant des programmes temporaires et en créant des réalités éphémères ». L’enjeu est d’activer les bords du fleuve comme une zone de loisirs et d’événements. Leur approche consiste à mettre en place un mécanisme de projets permettant des changements et des adaptations.

Le projet-processus : usages négociés et jeu d’acteurs

Certaines équipes, adoptant une attitude proche en proposant aussi des stratégies flexibles, se posent en réelles tacticiennes pour faire du projet le lieu d’un jeu d’acteurs et d’usages négociés.
Le projet est moins formalisé, et sans doute la vision du futur moins définie, mais c’est un projet négocié en permanence autour d’actions d’évolution, d’objectifs urbains précis, sans forcément connaître à l’avance avec précision ce sur quoi le processus va déboucher.

Ainsi, l’équipe lauréate à Bondy (FR), Bondy’s Count (fig.20), conçoit son projet autour d’actions invitant acteurs économiques et usagers à jouer un rôle dans la transformation du site. Il faut dire que le site, bien localisé le long du canal de l’Ourcq à la sortie de Paris, est aujourd’hui essentiellement une zone d’activités commerciales et l’enjeu est de le faire évoluer en rendant compatible activités et résidences. Pour cela, il faut négocier avec les acteurs économiques des remembrements partiels de leur parcellaire pour y insérer de nouveaux usages, tout en améliorant la dynamique commerciale. « Nous considérons le projet-processus comme un jeu de négociation où, à long terme, des investisseurs, des citadins et des résidents sont les protagonistes de ce jeu à venir. »

Enfin, le projet mentionné à Trondheim (NO), More Trondheim! (fig.21), s’inscrit également dans cette démarche quand il s’agit de redynamiser une brasserie encore en activité en y additionnant d’autres programmes tournés vers le public et les loisirs. Pour eux, le thème de l’adaptabilité correspond bien à l’enjeu du site : « travailler avec des stratégies à la fois programmatiques et spatiales qui pourraient se développer dans la durée, plutôt que ne proposer qu’un masterplan fini ». Et ce sont ces stratégies bien définies qui « forment un cadre solide qui permettra à différentes choses de prendre forme, en relation à l’augmentation des prix et des taux hypothécaires, la ségrégation démographique et les groupes économiques ».