Reversing the Grid

Paris-Saclay (FR) – Lauréat

DONNÉES DE L'ÉQUIPE

Représentant d'équipe : Maia Tüür (FR) – architecte-urbaniste ; Associé : Yoann Dupouy (FR) – urbaniste

TU-DU, 95 rue de la Roquette, 75011 Paris – France
contact@tu-du.fr – www.tu-du.fr

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M. Tüür et Y. Dupouy

 

INTERVIEW

1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours?

Nous nous sommes rencontrés en 2007 dans une agence d'architecture au sein de laquelle nous avons travaillé ensemble sur différents projets. Mais notre première véritable collaboration date de 2010 lors d'un concours lancé à Tallinn (Estonie) pour le réaménagement des abords du musée d'architecture d'Estonie. Malgré l'emprise limitée du périmètre de concours, il nous est apparu que la relation du site à son territoire était au moins aussi importante en terme de projet que le dessin de l'espace public en tant que tel. Il ne s'agissait donc pas seulement penser le projet urbain comme un exercice formel, mais comme un processus d'activation de relations entre différentes échelles de territoires. Notre projet sur le site de Paris-Saclay pour cette session d'Europan s'inscrit dans une forme de continuité, faisant de la question de l'articulation de différentes échelles territoriales un élément central de notre réflexion.

 

2. Pouvez-vous définir la problématique principale de votre projet, en insistant sur votre manière de¬†répondre à la question centrale de la session : l ºadaptabilité et les rythmes urbains ?

Le projet que nous proposons pour le site de Paris Saclay est avant tout un projet territorial, un projet de mise en cohérence des différents territoires existants (plateau, coteau et vallée) qui s'appuie sur les spécificités et les caractères du site. Cette recherche de cohérence territoriale est double et doit être pensée aussi bien vis-à-vis des développements importants du plateau de Saclay que des villes et quartiers existants de la vallée de l'Yvette. 
Devant l'échelle de ce site – près de 300ha –, il semblait difficile d'imaginer un dispositif urbain diffus et suffisamment dense pour créer de vrais lieux d'échanges. L'idée d'une grande polarisation des occupations au sein de ce territoire ne nous semblait pas non plus une position tenable. Notre projet ambitionne, par l'invention de trois "milieux" urbains, de dépasser cette difficulté. Les trois "milieux", pris dans leur ensemble, se présentent comme des dispositifs de mise en cohérence des territoires et ils sont de fait interdépendants -ils se définissent ainsi les uns par rapport aux autres et partagent leurs limites. Pourtant, chacun de ces milieux possède une logique propre, ce qui est à notre sens un gage de grande adaptabilité du projet. Parler de "milieux" différenciés, c'est aussi une manière de poser la question des rythmes qui est très pertinente pour ce territoire. Chacun des "milieux" définis dans le cadre de notre projet possède un rythme de développement et de fonctionnement particulier, ouvrant la possibilité de voir se développer ici une forme de coexistence entre  différents rythmes.

 

3. Comment cette problématique et les questions posées par la mutation du site se sont-elles croisées ?

La logique d'organisation des trois "milieux" et leurs spécificités est pour nous un outil fort, permettant de répondre de manière claire aux grandes problématiques de mutation du site. 
Devant le manque de liens évident du campus Paris-Sud avec son environnement urbain et face au manque de mixités au sein de ce territoire, nous avons proposé d'organiser une "ville intermédiaire", frange d'interface et de mixité entre les villes de la vallée de l'Yvette et le domaine universitaire. Un ensemble urbain continu accueillant au sein d'opérations mixtes différents habitats et programmes.
Considérant le manque de lisibilité et de praticabilité des espaces paysagers pourtant remarquables du site, nous avons imaginé la mise en place d’une “Grille Naturelle”, un système à la fois très souple et très structurant. Il ne s’agit pas, à travers ce dispositif, de nier les réalités géographiques et paysagères, mais davantage de les révéler en imaginant des “tensions” entre l’existant –L’Yvette, boisements, topographie…– et la grille elle-même.
Enfin, devant la difficulté de prendre en compte la réorganisation des occupations universitaires et de recherche sur le temps long, et en observant la tendance à l'autonomisation des bâtiments vis-à-vis de leurs espaces publics devenus simples espaces d'accompagnement, nous avons proposé le concept de la "clairière universitaire". Elle prend la forme d'un sol continu, aux limites claires et lisibles, mettant davantage en relation les bâtiments entre eux et intégrant la question du stationnement.

 

4- Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment et pourriez-vous présenter quelques projets références pour le vôtre ?

La première référence qui nous vient à l'esprit, c'est bien sûr le projet développé par le groupement XDGA/Desvigne pour le territoire du plateau de Saclay, par rapport auquel nous nous sommes situés et avons pensé le nôtre. En effet, notre proposition s'est construite comme le miroir du projet urbain du plateau en proposant une forme d'inversion des concepts de projet de XDGA/Desvignes : la grille urbaine du plateau devient une grille naturelle sur le coteau et dans la vallée. Les espaces universitaires existants, réintégrés dans cette grille, deviennent le pendant des espaces publics du plateau, des clairières universitaires au cœur de la densité paysagère. Enfin, la notion de nature intermédiaire laisse place au contact des villes existantes de la vallée à celle de "ville intermédiaire". Le projet de XDGA/Desvignes tire, à notre sens, sa force d'une grande clarté conceptuelle, à même de guider le développement du territoire du cluster sur le long terme, en s'adaptant, au cas par cas à la grande complexité des processus opérationnels et des jeux d'acteurs. Plus qu'un projet au sens formel du terme, c'est donc une dialectique qui se construit, un discours, susceptible d'informer plusieurs échelles de projet, de manière concomitante. C'est cette dialectique que nous avons cherché à construire pour le territoire du campus Paris-Sud.
Nous avions déjà réfléchi à cette problématique d'adaptabilité dans le cadre d'un concours international lancé par la ville de Reykjavik (IS) pour l'extension du centre-ville sur le site de l'aéroport local de Vatnsmyri. Sur ce territoire de près de 200 ha, la question du temps et de la mixité étaient posées, de même que celle du rapport à un paysage très ouvert. La réponse projectuelle apportée n'était finalement pas si éloignée du projet que nous avons élaboré pour Europan : On y retrouve les idées d'inscription territoriale et de milieux différenciés, très souples d'un point de vue opérationnel. Ce projet, réalisé au sein de l'Atelier Pranlas Descours, avait été désigné lauréat du concours en 2008, juste avant la banqueroute islandaise…

 

5- Aujourd'hui, à l'ère de la crise économique et du développement durable, le projet urbano-architectural doit repenser son mode de fabrication dans le temps ; de quelle manière avez-vous intégré la question du projet processus?

Un projet très "dessiné" n'aurait pas eu de sens à l'échelle de ce vaste territoire et c'est bien un "processus" de projet qu'il fallait inventer, comme dans la plupart des situations urbaines aujourd'hui : un processus souple afin que le projet puisse se construire sur le temps long et avec une multitude d'acteurs (universités, entreprises, villes, habitants, associations…) Nous avons donc proposé un concept d'organisation du territoire qui soit le plus clair possible. Un concept territorial suffisamment structurant pour guider des choix à grande échelle (desserte, stationnement, programmation) et dans le même temps assez souple pour être enrichi par un travail à plus petite échelle. Le processus de projet tient pour nous à cet aller-retour constant entre les échelles. C'est pour nous une manière de ne pas limiter le potentiel d'évolution de ce territoire.

 

6- Est-ce la première fois que vous êtes primé à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?

C'est la première fois que nous sommes primés à Europan, et cela arrive précisément au moment o√π nous souhaitions développer une réflexion commune sur ce que pourrait être une pensée plus territoriale et stratégique de l'aménagement urbain. Nos expériences professionnelles respectives nous ont beaucoup confrontés aux aspects opérationnels de l'aménagement, en France comme à l'étranger. Nourris de ces expériences, nous voudrions aujourd'hui développer une  approche urbaine qui se construise à plusieurs échelles, dans un processus d'allers-retours constants. Notre projet pour le site de Paris-Saclay est une première illustration de cette démarche  et la perspective d'une mise en concurrence sur ce site est donc pour nous une formidable opportunité d'échanges et de construction collective.