Bondy's Count

Bondy (FR) – Lauréat

DONNÉES DE L’ÉQUIPE

Représentant d’équipe : Nicolas Barnavon (FR) – architecte ; Associés : Denis Brochard (FR), Loïc Daniel (FR), Jacques Ippoliti (FR), Marion Lacas (FR) – architectes

Studio Diese – Atelier d’altérations urbaines, 37 Rue Bobillot 75013 Paris – France
+33 6 63 21 64 67 – studiodiese@gmail.com – www.studiodiese.com

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Studio Dièse

 

INTERVIEW
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1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours?

Depuis 2014, le collectif Studio Dièse est engagé dans des réflexions et des actions sur les territoires habités. Considéré comme un espace de travail, un laboratoire pour expérimenter des modes de fabrication du projet, nous participons à l’élaboration d’installations, d’études urbaines et de recherches autour de la re-jouabilité de l’espace public.

2. Quelle est la problématique principale du projet et comment avez-vous répondu à la question centrale de la session : lʼadaptabilité à travers l'Auto-Organisation, le Partage et/ou le Projet (Processus) ?

La zone commerciale de Bondy rend caduque la possibilité de penser l’évolution de la ville par un projet de transformation total et doit donc se renouveler. L’économie de terrains et la rentabilité de la "Route du meuble" impliquent de penser la transformation de la ville sur elle-même. Comment ouvrir la zone commerciale vers la ville tout en maintenant ses activités ? Comment mettre en route sa transformation et y intégrer d’autres façons de l’habiter ?
Le projet propose de mettre en place des tactiques pour y amorcer une hybridation d’usages programmatiques et formels. Il s’agit d’y développer l’offre d’activités commerciales, en profitant de l’attractivité économique des grandes enseignes qui y sont établies, tout en les associant progressivement à des activités de tailles plus réduites, à même de susciter des usages autres que l’aller-retour motorisé.

 

3. Comment la problématique et les questions posées par la mutation du site se sont-elles croisées ?

La nature programmatique du site n’est pas un obstacle à l’extension du centre-ville vers le canal. Pour faciliter les traversées et les circulations, le projet s’organise autour de trois strips différenciés (le stip-dur, le strip-tease et le strip-doux), pour reconfigurer les déplacements dans le quartier.
Maintenir et augmenter les activités impliquent de travailler de concert avec les acteurs en présence afin de faire évoluer les usages du foncier vers une commercialisation proche du grand magasin. Ces différents espaces de vente de tailles réduites et démultipliables –corners– sont mis en location par une franchise pour favoriser l’implantation d’autres activités. Cela permet de préfigurer, à différentes échelles, les mutations et les variations à venir dans le quartier et de modifier la perception et les usages de cette zone pour les habitants comme pour les personnes qui y travaillent.
Cette évolution est facilitée grâce au caractère flexible de la construction des hangars. Leurs ossatures demeurent les points d’accroche à de futures extensions. Leurs épidermes opaques laissent progressivement place à un patchwork d’événements et d’éléments impromptus, héritages constamment transmis de nouvelles occupations du temps et de l’espace. Le hangar “décoré“ devient hangar “décor“, fond de scènes pour le quartier.

 

4. Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment ? Quels ont été les projets références pour le vôtre ?

Dans nos précédents projets, nous avons cherché à mettre en place une méthode de travail contributif où se superpose et s’agrège des initiatives individuelles. Cette pratique évolutive nous permet, à travers la multiplicité de points de vue, de se saisir des imprévus qui font l’urbain. Le collectif inscrit ses propositions dans l’entre-deux, l’espace limite de médiation et de contradiction. Habiter et investir ces moments de tension, les discuter, les raconter nous parait être fondamental pour développer l’intérêt public et le devenir commun portés par l’architecture et la ville.
La position que nous avons suivie durant l’élaboration de “Bondy’scount” peut faire écho à celle livrée par Denise Scott Brown et Robert Venturi :

« Notre approche tente de ne pas être héroïque, de ne pas être nécessairement révolutionnaire. Ça a toujours été approprié d’être révolutionnaire et héroïque dans les grands jours du modernisme, mais il y a aussi des moments où les changements d’ordre évolutifs peuvent être judicieux. C’est pour cela que nous aimons commencer par ce qui est présent ce qui est là, du vernaculaire commercial des autoroutes américaines ou encore de l’ordinaire et du conventionnel qui peut être pertinent ».
(Denise Scott Brown et Robert Venturi dans « Relearning from Las Vegas » interview avec Hans Ulrich Obrist et Rem Koolhaas, - The Harvard Design School, Guide to Shopping : Project on the City 2, Ed Taschen, 2001, 800 p.)

 

5. Aujourd'hui, à l'ère de la crise économique et du développement durable, le projet urbanoarchitectural doit repenser son mode de fabrication dans le temps ; de quelle manière avez-vous intégré la question du projet processus ?

Nous avons envisagé le projet-processus comme un jeu de négociation, où investisseur à long terme, personnes de passage et résidents sont les protagonistes de la partie en cour. C’est sur cette nouvelle table des négociations que viennent s’hybrider et se débrider les initiatives. Le jeu est ouvert aux aménageurs, entrepreneurs, annonceurs, émissaires, propriétaires, affranchis, associations, etc.
En faisant de cette zone un terrain de jeux et d’enjeux, chaque parcelle pourrait donc voir passer une série de « mains », d’actions, indépendamment développées dans le temps et l’espace. En y encourageant les commerces plus modestes, en laissant un champ d’action à celles et ceux qui ne sont ni professionnels de l’aménagement, ni propriétaires des terrains, c’est l’équilibre du jeu et du territoire qui se trouve réajusté. Dès lors que tout le monde a droit de cité, les parties s’engagent sans connaissance de l’issue du jeu et s’enchaînent sans se ressembler.

6. Est-ce la première fois que vous êtes primé à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?

C’est la première fois que le collectif participe à Europan. Ce prix nous encourage à maintenir une approche reliant études urbaines et actions dans les territoires, en mêlant ces différentes échelles qui souvent s’ignorent. Convaincus de la nécessité d’étendre le domaine de l’architecture, le collectif cherche à ouvrir les disciplines et les champs d’actions pour les entraîner vers leurs marges, vers des terrains qui leurs sont généralement moins familiers.
Europan est pour nous l’occasion de croiser des réflexions et des actions pour en débattre avec d’autres interlocuteurs et acteurs engagés dans la transformation des territoires.