Clubhouses

La Corrèze (FR) – Lauréat

DONNÉES DE L'ÉQUIPE

Représentant d’équipe : Alexandre Dubure (FR) – architecte urbaniste ; Associaés : Thomas Nouailler (FR), Jenny Reuillard (FR) – architectes

2 rue du Charolais, 75012 Paris – France
alexandre.dubure@gmail.com

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A. Dubure, J. Reuillard & T. Nouailler

 

INTERVIEW
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1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours?

Nous sommes originaires du massif central, et la ruralité a donc été au cœur de notre quotidien. Elle a aussi été un sujet d'études en parallèle de la réflexion sur les métropoles au sein de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Clermont-Ferrand, dont nous sommes diplômés. Nous avons donc déjà eu l’occasion de réfléchir à ces territoires ruraux en marge. A présent que nous sommes architectes chefs de projet au sein de l'agence d’architecture Obras à Paris, le concours Europan est l'occasion pour nous de réfléchir à nouveau à ce sujet ensemble, enrichi de nos nouvelles expériences communes et individuelles.

2. Quelle est la problématique principale du projet et comment avez-vous répondu à la question centrale de la session : lʼadaptabilité à travers l'Auto-Organisation, le Partage et/ou le Projet (Processus) ?

Dans les territoires ruraux, et en particulier en Corrèze, l'adaptabilité est une nécessité. En raison des moyens limités des communes, les projets se font par petites actions successives. Parfois une commune réalise seulement un bâtiment ou un morceau d'espace public sur la durée d'un mandat électoral. Par ailleurs, les actions privées (habitat, commerces, équipements de santé) ne sont pas toujours encadrées, alors qu’elles ont un rôle structurant majeur dans ces territoires. L'enjeu est d'arriver à faire converger toutes ces petites impulsions vers une vision commune, pouvant perdurer au fil du temps. Nous avons donc réfléchi à un projet processus ouvert, avec un aller-retour permanent entre un objectif et les moyens pour y parvenir. Plutôt que des plans masse, les "figures" de projet sont un moyen pour initier ces allers-retours. Les trois sites permettent d’imaginer une structure à chaque fois ouverte, pouvant être construite patiemment et évoluer au gré des besoins, des financements et de la disponibilité du foncier, sans qu’un caractère d’inachèvement soit ressenti.

 

3. Comment la problématique et les questions posées par la mutation du site se sont-elles croisées ?

Sur chacun des sites, nous avons fait émerger une structure simple et à chaque fois unique (les terrasses à Ussel, l'îlot à quatre côtés à Argentat, les orientations du parcellaire et de la géographie à Turenne) fixant un caractère général et un certain nombre d'invariants (orientations, rapports d'échelle, inscription par rapport à la topographie) tout en permettant un grand nombre de variations, d'adaptations. Il nous a vraiment semblé nécessaire, au cours de l’avancement du projet autour de principes communs d’actions, de réussir à retrouver ces composantes simples dans chacun des sites. Par exemple, l’îlot à quatre côtés à Argentat est devenu un “backyard“, un lieu de proximité pour les habitants qui pouvaient naturellement l’investir, eux mêmes l’entretenir en intervenant sur l’espace public et créer du lien. Nous nous sommes rendus compte que cette situation physique de cœur d’îlot était finalement très contextuelle à Argentat.

 

4. Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment ? Quels ont été les projets références pour le vôtre ?

Nous sommes finalement presque tout le temps confrontés à cette problématique. D’une part, parce que notre génération n’a connu un peu que ça, des situations où les moyens sont limités. D’autre part, parce que nous avons l’habitude de travailler sur des projets de longue haleine dans l’aménagement, où il faut trouver ce qui active la transformation et la maintient, y compris lorsque les acteurs se succèdent dans le temps ou que les projets s’épuisent mécaniquement après les premières réalisations. Enfin, notre génération a grandi avec des façons de faire un peu différentes, avec des rencontres inattendues entre des acteurs qui sont parfois de cultures très éloignées au départ et qui se retrouvent à travailler ensemble. Nous avons beaucoup pensé à Luigi Snozzi et son projet de restructuration du village de Monte Carasso en Suisse, où chaque intervention simple démultiplie les effets. Mais aussi, comme autre type de référence, à Hooké, un collectif de jeunes pécheurs à la mouche canadiens qui autour d’une passion commune ont développé une chaine d’activités (graphisme, vidéo, matériel de pêche, sportswear, expéditions). Ce type d’initiatives qui regroupent des gens en un lieu et autour d’un intérêt commun nous a évoqué le nom “Clubhouses“ pour le projet.

 

5. Aujourd'hui, à l'ère de la crise économique et du développement durable, le projet urbanoarchitectural doit repenser son mode de fabrication dans le temps ; de quelle manière avez-vous intégré la question du projet processus ?

Nous pouvons reprendre la phrase du compositeur Pierre Boulez, à qui nous avons emprunté la figure de la spirale qui, quel que soit son niveau développement conserve la même forme. L’important est qu’il y ait un début et une fin, un point de départ et un point d’arrivée, qui permettent de l’interrompre tout en sachant où l’on en est. Et de pouvoir la reprendre plus tard. Une culture de projet propre à ces territoires est à mettre en place, qui concerne bien sûr la façon de construire, mais aussi la méthode. Selon nous, il faut travailler ici sur les façons de faire qui seront peut-être plus longues, souvent même modestes, mais plus durables. Cette culture de projet doit aussi permettre de regrouper des acteurs qui n’ont a priori pas vocation à se rencontrer au départ. Donc, chaque projet ne peut pas être pris de manière isolée, il doit entrer dans une discussion plus large et pouvoir démultiplier les surfaces de contacts entre ces acteurs. Nous croyons aussi dans la grande capacité d’un territoire comme la Corrèze à être attractive, pas seulement comme lieu touristique que l’on visite, mais comme lieu à vivre tous les jours. Ce n’est pas qu’une question de temps "long". On peut ici dès aujourd’hui commencer à instaurer une très grande intensité. Il y a une véritable attente.

6. Est-ce la première fois que vous êtes primé à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?

Nous avons déjà été primés chacun de notre coté au sein d’autres équipes (A. Dubure, Cité E11 à Porvoo (FI) ; T. Nouailler, Lauréat E9 à Andenne (BE) et E12 à Paris-Saclay (FR) ; J. Reuillard, Cité E11 à Clermont-Ferrand (FR)).
Europan est un cadre passionnant pour réfléchir à des sujets de fond, rencontrer et échanger avec d’autres personnes du métier, alimenter nos réflexions amorcées sur d’autres projets (en agence et dans l’enseignement… ). Ce concours a été l’occasion de "tester" notre complémentarité en constituant cette équipe, tout en sachant que nous partagions une culture de projet proche. Il y a une forme de prise d’autonomie en abordant un tel contexte et surtout une opportunité de porter directement notre projet devant des acteurs du territoire, techniciens, élus, mais aussi dans un débat plus large avec la réflexion menée par Europan. Nous connaissons la difficulté à transformer "professionnellement" un projet primé à Europan, mais l’important pour nous est de pouvoir aujourd’hui en discuter encore, accompagner les acteurs et les stimuler dans leur souhait d’intervenir sur ces territoires.