Mannheim's Connection

Mannheim (DE) – Lauréat

DONNÉES DE L'ÉQUIPE

Représentant d'équipe : Ilaria Novielli (IT) – architecte urbaniste ; Associé : Alessandro Delli Ponti (FR) – architecte urbaniste
Collaborateurs : Camille Alwan (FR)  – architecte urbaniste ; Marc Blume (DE)  – paysagiste ;  Clelia Bartolomei (IT), Verdiana Spicciarelli (IT) – étudiantes en architecture

KHstudio, 44 rue des Vinaigriers, 75010 Paris – France
+33 6 23 88 94 62 – info@khstudio.org – www.khstudio.org

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A. Delli Ponti, I. Novielli, C. Alwan et M. Blume

 

INTERVIEW

1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours ?

Alessandro delli Ponti a créé le collectif KH en 2010. KH a été conçu comme une cellule transdisciplinaire de recherche et de projet. L’équipe de Mannheim’s Connection est le résultat des collaborations fructueuses sur plusieurs projets et concours internationaux. Le groupe associe des profils de spécialisation diversifiés et complémentaires : Alessandro delli Ponti et Camille Alwan s’intéressent respectivement aux stratégies métropolitaines et au projet urbain, Ilaria Novielli est architecte et Marc Blume (Atelier Eem) est paysagiste. Après des parcours de formation internationaux, Paris est devenue la plateforme professionnelle commune.

 

2. Pouvez-vous définir la problématique principale de votre projet, en insistant sur votre  manière de répondre sur le site à la question centrale de la session : lʼadaptabilité et les rythmes urbains ?

Il nous a été demandé de repenser l’image de l’autoroute B38, qui est, à l’heure actuelle, une des principales entrées en ville. Aujourd’hui, ce tronçon d’infrastructure est un élément de division, le long duquel une série d’enceintes urbaines et militaires se juxtaposent sans relations entre elles. La restitution à la ville de 500 Ha de territoires militaires bordant l’autoroute devient alors l’occasion de repenser la B38 comme un catalyseur urbain, un vecteur de continuité.
Les réseaux universitaires et les milieux productifs, présents sur le territoire, pourraient-ils trouver, dans ce projet, une scène urbaine partagée ? Mais comment révéler les potentiels latents de ce territoire morcelé ? Comment associer, dans une combinatoire inédite, nouvelles mobilités et réseaux écologiques, accessibilité locale et attractivité régionale ?
Notre stratégie pour la B38 essaye de donner une réponse à ces interrogations majeures, en proposant un palimpseste systémique et adaptable, plutôt qu’un projet urbain monolithique.
Cette approche répond aux demandes locales et régionales et propose une logique de mise en œuvre progressive. Chaque phase associe une évolution de l’offre en mobilité publique à une mutation programmatique et paysagère conséquente : des grands événements publics de lancement et réappropriation des sites, à l’émergence d’un quartier complexe, caractérisé par la co-présence de secteurs d’habitation et d’activités, de production intellectuelles (campus universitaires), de tertiaires (bureaux) et  de grands espaces pour le temps libre.

 

3. Comment cette problématique et les questions posées par la mutation des terrains militaires se sont-elles croisées ?

À Mannheim, la transformation d’une enclave militaire en secteur urbain civil, est directement connectée à des sujets économiques impliquant des plus vastes échelles de raisonnement. Comment de nouvelles formes de productivité, liées à l’économie de la connaissance, peuvent-elles aider à redéfinir la logique spatiale pré-existante et valoriser ses potentiels ? Le profil infrastructurel des ensembles militaires est optimisé et adaptable. Dans ce contexte bâti, le paysage a été notre moyen pour définir une logique d’ensemble capable d’accepter la variation et le changement des éléments constitutifs.

 

4. Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment et pourriez-vous présenter quelques projets références pour le vôtre ?

Au cours des dernières années, notre équipe a pu travailler sur le concept d’adaptabilité dans le cadre de concours internationaux et de projets de recherche académique. On pourrait citer, à titre d’exemple, le Concours international pour la Piazza d'Armi à L’Aquila (IT) de KHstudio (mention honorable) ou le concours international pour l’Aéroport de Tempelhof à Berlin (DE) de Marc Blume_Atelier eem + BASE, deuxième prix.
Mais en dehors de nos parcours professionnels, nous considérons qu'il est important de souligner que l’adaptabilité est aujourd’hui une nouvelle condition existentielle et politique. Dans l’univers professionnel de l’architecture, l'idée romantique (et banale) d’une individualité narcissique a été dépassée par des formes collectives de coopération. De la même façon, les projets urbains se fondent de plus en plus sur les relations entre les différents acteurs.
Le caractère du territoire de Mannheim est si spécifique qu’il n’est pas évident de trouver des références directes, mais il faut mentionner les idées et les recherches qui ont nourri notre approche:

1/ Architecture – Infrastructure
Le théâtre de Marcellus, dans le quartier juif historique de Rome, est pour nous une bonne référence pour illustrer l’idée d’adaptabilité de l’infrastructure dans une scène urbaine en mutation. Pour nous, l'adaptabilité est inhérente à l'espace. L'espace a toujours fait preuve d'adaptabilité, tandis que les projets sont parfois moins adaptables que les espaces qu'ils veulent définir. (ref. “Knowledge landscape and interpretativity. Herman Hertzberger”, Le Visiteur n°18, 2012) 

2/ Urbain – Paysage
Dans le Grand Paris, à Bruxelles, à Barcelone et dans pas mal d’autres contextes urbains dans le monde, la réflexion visant la transformation des autoroutes en boulevards urbains innovants est d’actualité. Ces « linéaires fondamentaux », hérités du développement urbain moderniste, sont progressivement réaménagés pour devenir des vecteurs environnementaux à la programmation mixte. Cette transition illustre une nouvelle manière d’associer nature, mobilité alternative et programmes innovants. 

3/ Métropolitain - Fonction
Prendre en considération les échelles métropolitaines et régionales, nous oblige à penser le projet comme un processus plutôt que comme un produit figée. À l’échelle métropolitaine ce processus intègre les dynamiques en cours avec les ambitions futures. Il met en relation la multiplicité des impératifs locaux. Le projet est ainsi appelé à dépasser ses limites traditionnelles pour devenir une « stratégie relationnelle », comparable à une scénarisation collective. Le politique, la société civile et les institutions économiques sont ainsi appelés à se réunir pour suggérer des sentiers narratifs partagés. Système ouvert, la recherche sur la métropolisation du Grand Paris sur laquelle Alessandro delli Ponti a travaillé avec le group TVK, ACADIE, GULLER-GULLER pour l’Atelier International du Grand Paris, approfondi cette dimension du projet qui est déterminante pour imaginer le changement de la B38 à Mannheim.

 

5. Aujourd'hui, à l'ère de la crise économique et du développement durable, le projet urbano-architectural doit repenser son mode de fabrication dans le temps ; de quelle manière avez-vous intégré la question du projet processus ?

Ce contexte opérationnel nous oblige à considérer « positivement » l'incertitude, et à proposer des approches systémiques et complémentaires sur des échelles plus larges, qui peuvent aider à gérer le risque financier et spatial au niveau local . Les stratégies à long terme, comme celle explicitée dans Mannheim’s Connection, doivent intégrer une notion très concrète et pratique des actions clés qui aident à traduire l'objectif à long terme dans un parcours progressif.
Le projet urbain, conçu comme une occasion de rencontre des demandes sociales et des ambitions politiques, à l’ère post-idéologique, devient le fil narratif d'une histoire qui doit être définie par la collectivité. Ce récit devient le nouveau terrain commun d'entente entre la vision professionnelle du concepteur et la dimension politique de la société civile. Mannheim’s Connection est ainsi présenté comme le palimpseste stratégique d'une histoire forte pour l'avenir de Mannheim. Le temps est sa variable clé.

 

6. Est-ce la première fois que vous êtes primé à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?

Oui, c’est la première fois.
Notre équipe est composée de « knowledge migrants » européens. Même les histoires de nos familles se sont construites au fur et à mesure de migrations continentales et mélanges originels (FR-IT-DE-US-IQ-NO...) Dans cette condition, il est très intéressant de définir un parcours professionnel avec une forte connotation internationale et européenne. On peut être basés à Paris, Rome ou Heidelberg et travailler partout en Europe, pour l'Europe, et toujours se sentir chez nous. Nous considérons qu’Europan peut nourrir les demandes urbaines locales avec des jeunes équipes multidisciplinaires à l’expérience internationale, ce qui est pour nous une occasion précieuse d’apporter une contribution concrète aux principaux défis de nos bien-aimées villes européennes.