LE CHANGEMENT COMMENCE AVEC NOUS TOUS !

Rasmus Frisk (DK)

architecte
Arki_lab, Copenhague (DK) - www.arkilab.dk

Mentionné d'Europan 12 à Marseille Plan d’Aou (FR), Un nouveau village urbain

Voir le processus d’Un nouveau village urbain : ici

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Le changement commence avec nous tous !

Nos villes se sont construites autour d’un mode de pensée dualiste opposant l'homme à la nature ; et ce mode de pensée a créé de nombreux défis dans nos villes et nos sociétés. Si nous, architectes et urbanistes, voulons résoudre certains de ces problèmes et participer à la création de villes meilleures, nous devons avant tout commencer par changer de mode de pensée.

Longtemps, « l'homme » s'est identifié comme le maître de la nature. La pensée canonique occidentale, qui a modelé nos villes et nos sociétés en Occident, a longtemps cru à un dualisme Culture Vs. Nature, supposant une division ontologique entre les hommes et la nature. (Warren, K.J. An Unconventional History of Western Philosophy: Conversations Between Men and Women Philosophers, Lanham, MD: Rowman & Littlefield).
Cette pensée, combinée aux avancées technologiques incessantes depuis la révolution industrielle, a permis à « l'Homme » de transformer pratiquement tous les recoins de notre planète et de remodeler le paysage, laissant toujours son empreinte derrière lui, et aucun doute pour l'observateur quant au responsable !

Ces dernières décennies, les scientifiques et les militants, se fondant sur les changements enregistrés à la surface de la planète et dans l'atmosphère, ont souligné à plusieurs reprises la nécessité d'adopter un nouveau mode de penser et d'aborder notre environnement. La calotte polaire est en train de fondre et le niveau des mers de monter ; les inondations et les sécheresses surchauffent les villes au point de les rendre inhabitables. Il est finalement devenu évident que « l'Homme » ne peut pas contrôler la nature ! Les destins de l'homme et de la nature ne font qu'un. Si l'écosystème planétaire s'effondre, notre civilisation le suivra.

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Le changement climatique n'est cependant pas le seul sous-produit d'une pensée dualiste. Occident contre Orient, l’homme contre la femme, maturité contre immaturité et riches contre pauvres sont tous les produits du même mode de penser qui donne au monde un sens en « oppositions ». Les inégalités, en d'autres termes, en sont l'autre sous-produit.

Partout à travers le monde, les femmes, les jeunes et les militants des pays les plus durement touchés sont en première ligne de la lutte contre le changement climatique. Et ce, pour une bonne raison : les classes sociales défavorisées ne sont pas uniquement le produit de ce mode de penser qui refuse d’arrêter le changement climatique ; elles en seront, également, les victimes les plus affectées. (Lire pour exemple Climate Change and Social Inequality par S. Nazrul Islam et John Winkel.
Mais pourquoi tout cela devrait-il nous préoccuper nous, architectes et urbanistes ? Le C40 rapporte que « Les villes consomment plus des deux tiers de l'énergie mondiale et sont responsables de plus de 70% des émissions mondiales de CO2. » (Source: C40) Le changement climatique, tout comme son problème analogue –les inégalités–, est causé en grande partie par les villes.

La façon dont nous construisons, nous consommons et nous nous déplaçons dans nos villes est largement responsable du problème. Si nous voulons lutter durablement contre le changement climatique et les inégalités, nous devons réimaginer nos villes, restaurer le lien manquant avec la nature, rétablir notre place au sein de l'écosystème et redéfinir nos relations à l’autre, non seulement dans nos esprits, mais également dans les espaces que nous habitons. C'est pourquoi notre travail et notre façon de travailler, en tant qu'architectes et urbanistes, sont si importants.
Mais le plus important est de comprendre que cette fois, il ne s’agit pas l'architecte contre le non-architecte. Pour relever les défis qui se présentent, nous devons travailler ensemble pour remodeler notre pensée collective et nos espaces. Notre rôle, en tant qu'architectes et urbanistes, est de concevoir et de chorégraphier cette collaboration et ce co-apprentissage. Nous ne sommes pas ceux qui trouverons la solution définitive. Nous devons plutôt utiliser nos outils et notre expérience pour rassembler les gens et cultiver l'interaction, d'où émergeront des modes de pensée, de développement et d'action innovants.

En tant qu'architectes et designers, un des éléments essentiels que nous devons repenser est le processus de conception et notre approche. Pour lutter contre les inégalités et le changement climatique, notre processus de conception doit être inclusif et étendu ; il doit encourager tous les groupes d'utilisateurs à participer et à s'approprier leur environnement et leur ville. Nous devons être le changement que nous voulons voir autour de nous. Afin de lutter contre les inégalités, les idéologies clivantes et la polarisation, nous devons combler le fossé entre les gens, notamment dans notre façon de travailler et de concevoir.


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De nombreuses pratiques à travers le monde ont déjà commencé à adapter leur processus de conception pour y inclure des initiatives plus collaboratives et plus inclusives, telles que la participation citoyenne, la conception temporaire, les ateliers avec les parties prenantes, etc. La mise en œuvre d'une conception temporaire, par exemple, est un excellent moyen de s'assurer que chacun, quels que soient son âge, ses origines, son sexe, etc. s'identifie à la conception finale. Laisser un espace pour l’essai et l'erreur dans nos processus de conception est une action positive forte dans la lutte contre les inégalités. Elle permet la production d’espaces qui sont faits par tous et pour tous. Cela devient également un processus d'apprentissage collectif à travers lequel les gens peuvent interagir et comprendre leurs points de vue respectifs. Pour repenser nos dynamiques sociale, structurelle et culturelle, il faut d'abord s'interroger sur les mécanismes qui les sous-tendent et sur les processus qui génèrent et façonnent ces conditions. C'est notre rôle, en tant qu'architectes et urbanistes, de porter le flambeau du changement en commençant par la façon dont nous produisons des espaces habitables.

Ces processus de conception inclusifs et étendus incluent également la conception finale, pour créer des espaces régénératifs et flexibles. Les espaces que nous créons doivent refléter le changement que nous souhaitons pour le futur. En tant qu'architectes et urbanistes, nous devrions créer des espaces adaptatifs que les utilisateurs peuvent s’approprier avec le temps ; au lieu de reproduire les dynamiques sociales normatives passées et existantes, ces nouveaux espaces devraient inspirer la création d’interactions et de métabolismes inédits permettant de faire face aux inégalités et au changement climatique. Les villes vivantes du futur ont en fait besoin de vivre, de respirer, de s'adapter et de se régénérer.


Voir le processus de l’école Stengård : ici
Jusqu'à ce jour, nos villes ont pour la plupart ignoré leurs émissions de carbone ; elles se sont adonnées à d’incessantes constructions, à une utilisation sans fin des ressources et à un développement axé sur la richesse et non sur les gens. Nous devons réévaluer les espaces que nous concevons et trouver d'autres façons d'habiter la planète. Un aspect essentiel est la conception d'espaces multifonctionnels et résilients, qui utilisent non seulement moins de ressources, mais qui répondent également aux besoins de personnes et de fonctions diversifiées, aujourd'hui ainsi que demain. La force des villes vivantes de demain vient de leur résilience, et non de leur rigidité actuelle et passée. Notre rôle en tant qu'architectes et urbanistes est de créer des espaces non pas limitatifs, mais plutôt ouvreurs de potentiels. Le concept d'un programme, d'une fonction ou d'un groupe d'utilisateurs spécifiques liés à un projet n’est plus d’application. Ces espaces de vie sont autonomes et contribuent également à l'écosystème plus large de la ville, en créant un réseau durable pour les habitants et la nature. La conception de tels espaces doit s’inspirer de la nature elle-même et des écosystèmes organiques qui existent autour de nous. Ces villes vivantes doivent incarner la manière dont l'homme et la nature peuvent coexister sans dépasser les limites.

Nous, à arki_lab, espérons qu'Europan 16 deviendra une plateforme pour tous les jeunes architectes, urbanistes et designers afin de cultiver une nouvelle façon de (co-)créer la ville.